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Contribuer à la définition de priorités sur le numérique et la gouvernance depuis et pour l’Afrique de l’Ouest

 

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Alors que le numérique s’impose comme une priorité pour de nombreux acteurs publics, privés, internationaux et nationaux, de nouvelles questions essentielles émergent : Qui définit et conceptualise les enjeux du numérique ? A partir de quelles réalités sociales et politiques ? Comment s’assurer que les savoirs produits localement en Afrique de l’Ouest reflètent et éclairent les transformations en cours ?

Ces interrogations sont au cœur du processus d’élaboration d’un agenda de recherche initié par le Global Development Network (GDN) lors de la Foire aux Savoirs de Cotonou en mai 2025, en partenariat avec le Centre Africain pour le Développement Équitable (ACED) et avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) et la Fondation Robert Bosch. Cette initiative a rassemblé et mis à contribution des chercheurs issus de think tanks nationaux et régionaux, des représentants d’agences nationales du numérique, de la société civile, du secteur privé, et des acteurs internationaux du développement pour identifier des besoins de recherche ancrés dans les priorités régionales de politiques publiques.

L’approche méthodologique retenue – celle d’un « marché de la connaissance » – a consisté à faire émerger une demande de connaissances à partir des priorités politiques exprimées par les agences nationales du numérique, présenter l’offre de connaissances existante à travers l’exposé des travaux des chercheurs présents et en analyser les écarts pour construire collectivement des priorités de recherche régionales. Ensemble, les participants ont identifié des questions de recherche, plaçant le numérique au cœur de thématiques transversales de politiques publiques, telles que l’équité et la justice sociale, la participation citoyenne et la gouvernance inclusive, l’amélioration des services publics, le développement socio-économique durable, les cadres réglementaires et l’articulation entre souveraineté et intégration régionale.

Bien plus qu’un simple exercice d’alignement entre l’offre et les besoins de connaissances, cette approche transforme la manière dont le numérique est étudié, pensé et gouverné dans la région, en ouvrant la voie à un processus collectif de réflexion sur ce qui constitue un besoin de connaissances légitime et pertinent.
 

Une revue de littérature croisée pour faire dialoguer recherche et politiques publiques

Dans le prolongement de ce processus de co-construction de questions de recherche et grâce à un financement flexible de la Fondation Robert Bosch, une revue de littérature innovante est actuellement en cours. Menée par une douzaine de think tanks sélectionnés via un appel régional à contributions, son objectif est de dépasser les grilles d’analyse souvent importées ou purement techniques sur le numérique, en mobilisant une diversité de savoirs et d’expertises ancrés dans les réalités locales.

Au-delà d’un exercice académique classique, cette revue hybride combine sources scientifiques et institutionnelles afin de dresser un inventaire exhaustif des discours produits sur le numérique et d’évaluer la cohérence entre savoirs scientifiques et priorités de politiques publiques.

Ce travail vise à identifier :

  • Les connaissances disponibles qui ne sont pas traduites en politiques publiques ;
  • Les priorités institutionnelles de politiques publiques pour lesquelles il existe un manque de connaissances ;
  • Les questions qui ne sont couvertes ni pas la recherche ni par les politiques publiques, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles pistes de recherche stratégiques.
     

Mobiliser l’expertise singulière des think tanks

Les travaux préliminaires ont mis en évidence une leçon clé : aligner la recherche sur les priorités institutionnelles de politiques publiques ne suffit pas, notamment dans des contextes où la légitimité de ces dernières est questionnée. Il est indispensable de reconstruire collectivement ces priorités avec les acteurs qui produisent et s’approprient aussi bien les savoirs que les politiques publiques.

Dans ce processus, les think tanks, en tant que médiateurs de savoirs, jouent un rôle central. Situés à l’intersection de la production de connaissances et de la décision publique, ils contribuent à structurer le débat public et orienter les besoins de connaissances académiques à partir de leur lecture transversale des enjeux politiques et sociaux. Leur position unique leur donne la capacité de mettre en perspective, de manière critique, les processus, normes et institutions qui contribuent à façonner les discours et pratiques sur le numérique dans la région.

Ainsi, dans le cadre de cette revue, des questions techniques sur la réglementation du numérique se sont par exemple vues reprises depuis le prisme de préoccupations régionales incluant la protection des droits fondamentaux et les enjeux de mobilités humaines. 
 

Une démarche collaborative et transnationale

Douze équipes issues de think tanks[1] couvrant six pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal et Tchad) participent à cette revue. En travaillant par binômes transnationaux, elles combinent leurs expertises thématiques, méthodologiques et contextuelles, pour enrichir l’analyse des enjeux communs autant que des spécificités locales à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.

Ce travail collectif met également en lumière des enjeux d’ordre conceptuel, liés à la diversité des approches mobilisées (quantitatives, qualitatives, anthropologiques, juridiques, économiques, sociologiques etc.). En ouvrant un dialogue entre ces différentes perspectives, la démarche invite à dépasser les frontières disciplinaires pour faire émerger les besoins de recherche les plus transversaux et prioritaires.
 

Vers un modèle de recherche participatif, ancré dans la diversité des expériences politiques

Et si le numérique n’était pas seulement un objet d’étude, mais un prisme pour repenser les liens entre recherche et politiques publiques ? C’est le pari de cet agenda de recherche qui explore la façon dont les transformations économiques et sociales liées au numérique façonnent des enjeux politiques à partir desquels les méthodes et les objets de la recherche doivent évoluer.

Cette revue de littérature en est un exemple concret. Sa démarche encourage une réflexion sur la manière d’articuler recherche et politiques publiques dès la définition des agendas. Elle invite à dépasser la logique d’appropriation politique des résultats de la recherche pour interroger, en amont, la fonction politique de la recherche.

Pour pérenniser cette approche, les perspectives incluent deux axes essentiels et complémentaires qui seront déployés dans le cadre d’une série de rencontres régionales prévues au cours de l’année 2026.

  1. Mettre à l’échelle le processus en incluant davantage de sources de savoirs et d’expériences du numérique dans la définition collective des besoins de politiques publiques et de connaissances sur le sujet ;   
  2. Consolider l’agenda de recherche en orientant les capacités et les investissements vers des programmes de recherche issus des questions identifiées dans cette revue et alignées avec les préoccupations politiques et sociales de la région.

Par ce type d’approches, la région s’affirme non seulement comme un acteur clé pour contextualiser les débats mondiaux sur le numérique depuis ses propres réalités, mais également comme un contributeur essentiel aux débats épistémiques visant à réinventer les paradigmes de la recherche pour le développement.

 

Ce texte s’inscrit dans les efforts du GDN pour documenter son approche en tant qu’intermédiaire et partenaire de confiance à l’interface entre bailleurs internationaux et chercheurs locaux, afin de renforcer l’efficacité, l’impact et la légitimité du soutien international au renforcement des liens entre recherche et politiques publiques, dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Il fait partie d’une série de textes publiés sur ce blog qui documentent le rôle du GDN comme laboratoire des pratiques des bailleurs et des intermédiaires. Les commentaires peuvent être envoyés à Anna Niang (aniang@gdn.int) et Francesco Obino (fobino@gdn.int).

[1] Liste des think tanks participant à cette initiative : African Institute for Development Policy (AFIDEP), African Wito Institute (AWI), Groupe d’Actions et de Réflexions pour des Politiques Sociales Transformatrices en Afrique (GAR-PSTA), Groupe de Recherche – Paysages et Développement Durable (GR-PDD), Cabinet d'Etude, de Recherche, de Management, et de la Qualité (CERMAQ), Centre d’Etude, de Recherche et de promotion des Technologies et Innovations Socio-Sanitaires et économiques (CERTIS), Centre panafricain de recherche pour le développement économique et social (CARDES), Equipe « Intelligence artificielle, éducation et entrepreneuriat » de l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS), Laboratoire d'Etudes et de recherche en Economie Appliquée et Gestion (LAEREAG), Mauritanie 2E2D, Mauritanie Perspectives.

Photo de groupe prise lors de l'événement Foire aux Savoirs 2025 qui s'est tenu à Cotonou, au Bénin, sur le thème « La numérisation et les défis de la gouvernance en Afrique de l'Ouest ».
Group photo from the 2025 Evidence Fair held in Cotonou, Benin on Digitalization and Governance Challenges in West Africa


CONTRIBUTING TO DEFINING DIGITAL AND GOVERNANCE PRIORITIES FROM AND FOR WEST AFRICA

As digital technology becomes a priority for many public, private, national, and international actors, new and essential questions are emerging: Who defines and conceptualizes digital issues? Based on which social and political realities? And how can we ensure that knowledge produced locally in West Africa reflects and informs the transformations underway?

These questions are at the heart of the process of developing a research agenda initiated by the Global Development Network (GDN) at the Cotonou Evidence Fair in May 2025, in partnership with the African Center for Equitable Development (ACED) and with the support of the French Development Agency (AFD), the International Development Research Centre (IDRC), and the Robert Bosch Foundation. This initiative brought together researchers from national and regional think tanks, representatives of national digital agencies, civil society, the private sector, and international development actors to identify research needs grounded in regional public policy priorities.

The methodological approach adopted–referred to as a “knowledge market”–involved identifying the demand for knowledge based on the political priorities expressed by national digital agencies, presenting the existing supply through contributions from the researchers in attendance, and analyzing the gaps in order to collectively define regional research priorities. Together, participants identified research questions, placing digital technology at the heart of cross-cutting public policy issues such as equity and social justice, citizen participation and inclusive governance, improved public services, sustainable socio-economic development, regulatory frameworks, and the relationship between sovereignty and regional integration.

Much more than a simple exercise in aligning knowledge supply and demand, this approach transforms the way digital technology is studied, thought about, and governed in the region, paving the way for a collective process of reflection on what constitutes legitimate and relevant knowledge needs.  

A cross-cutting literature review to foster dialogue between research and public policy

As an extension of this process of co-constructing research questions, and thanks to flexible funding provided by the Robert Bosch Foundation, an innovative literature review is currently underway. Led by a dozen think tanks selected through a regional call for contributions, its objective is to move beyond analytical frameworks on digital technology that are often imported or purely technical, by mobilizing a diversity of knowledge and expertise grounded in local realities.

Going beyond a traditional academic exercise, this hybrid review combines scientific and institutional sources to compile an exhaustive inventory of discourse on digital technology and assess the consistency between scientific knowledge and public policy priorities.

This work aims to identify:

  • Available knowledge that is not being translated into public policy;
  • Institutional public policy priorities for which there is a knowledge gap;
  • Issues that are not covered by either research or public policy, thus opening the way for new strategic research avenues.
     

Mobilizing the unique expertise of think tanks

Preliminary work has highlighted a key lesson: aligning research with institutional public policy priorities is not enough, particularly in contexts where the legitimacy of these priorities is questioned. It is essential to collectively rebuild these priorities with the actors who produce and engage with both knowledge and public policy.

Think tanks, as mediators of knowledge, play a central role in this process. Positioned at the intersection of knowledge production and public decision-making, they help structure public debate and shape academic knowledge needs through their cross-cutting analysis of political and social issues. Their unique position gives them the ability to critically put into perspective the processes, norms, and institutions that influence discourse and practices on digital technology in the region.

In the context of this review, technical issues related to digital regulation have, for example, been revisited through the prism of regional concerns, including the protection of fundamental rights and human mobility issues.           

A collaborative and transnational approach

Twelve teams from think tanks[1] across six countries (Benin, Burkina Faso, Chad, Côte d'Ivoire, Mauritania, and Senegal) are participating in this review. Working in transnational pairs, they combine their thematic, methodological, and contextual expertise to enrich the analysis of shared issues as well as local specificities across West Africa.

This collective work also highlights conceptual issues related to the diversity of approaches used (quantitative, qualitative, anthropological, legal, economic, sociological, etc.). By opening a dialogue between these different perspectives, the approach encourages participants to transcend disciplinary boundaries in order to identify the most cross-cutting and priority research needs.

Towards a participatory research model grounded in diverse political experiences

What if digital technology were not merely a subject of study, but a lens through which to rethink the relationship between research and public policy? This is the challenge embraced by this research agenda, which explores how the economic and social transformations driven by digital technology are shaping political issues, prompting the evolution of research methods and subjects.

This literature review is a concrete example of this. Its approach encourages reflection on how research and public policy can be articulated from the very moment agendas are defined. It calls from moving beyond the logic of political appropriation of research findings to question, upstream, the political function of research itself.

To sustain this approach, the outlook includes two essential and complementary areas of focus that will be rolled out through a series of regional events planned for 2026:

  1. Scaling up the process by incorporating a broader range of sources of digital knowledge and experience into the collective definition of public policy and knowledge needs on the subject;
  2. Consolidate the research agenda by directing capacities and investments towards research programs based on the issues identified in this review and aligned with the region's political and social concerns.

Through these types of approaches, the region is positioning itself not only as a key player in contextualizing global debates on digital technology from its own perspectives, but also as an essential contributor to epistemic debates aimed at rethinking research paradigms for development.

 

This text is part of GDN’s ongoing efforts to document its role as a trusted intermediary between international donors and local researchers, with the aim of strengthening the effectiveness, impact, and legitimacy of international support for closer links between research and public policy in low- and middle-income countries. It is one of a series of posts on this blog that reflect on GDN’s work as a laboratory for donor and intermediary practices. Comments can be sent to Anna Niang (aniang@gdn.int) and Francesco Obino (fobino@gdn.int).


[1] List of think tanks participating in this initiative: African Institute for Development Policy (AFIDEP), African Wito Institute (AWI), Groupe d’Actions et de Réflexions pour des Politiques Sociales Transformatrices en Afrique (GAR-PSTA), Groupe de Recherche – Paysages et Développement Durable (GR-PDD), Cabinet d'Etude, de Recherche, de Management, et de la Qualité (CERMAQ), Centre d’Etude, de Recherche et de promotion des Technologies et Innovations Socio-Sanitaires et économiques (CERTIS), Centre panafricain de recherche pour le développement économique et social (CARDES), Equipe « Intelligence artificielle, éducation et entrepreneuriat » de l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS), Laboratoire d'Etudes et de recherche en Economie Appliquée et Gestion (LAEREAG), Mauritanie 2E2D, Mauritanie Perspectives.